Les Carthaginois puis les Romains auraient utilisé les hauteurs de l'actuel Sidi Bou Saïd pour y établir une tour à feu. Une mosaïque de six mètres sur cinq prouve d'ailleurs l'existence ancienne d'une villa romaine.
Au e siècle, les hauteurs du village sont choisies par les Almoravides pour la défense des côtes nord-est de la Tunisie. Des tours de guets et des tours à feu y sont construites. Elles donnent d'ailleurs l'appellation de la colline : Djebel El Manar (« Montagne du feu »).
Abou Saïd Khalaf Ibn Yahya el-Tamimi el-Béji, alias Sidi Bou Saïd, enseigne dans la rue qu'il habite à Tunis et qui a depuis conservé son nom. Vers la fin de sa vie, il se retire sur le Djebel Menara, dans le ribat construit sur la colline dominant le cap Carthage, pour monter la garde et y enseigner le soufisme. Il est alors surnommé « maître des mers » à cause de la protection que les marins naviguant à proximité du site pensent recevoir. Il meurt en 1231 et est enterré sur la colline. Sa zaouïa constitue sans doute le premier élément du village qui prendra son nom. Des traces archéologiques repérées sur le versant nord laissent penser qu'un mur d'enceinte contourne alors le site.
Dès le e siècle, le charme de ce village séduit la bourgeoisie tunisoise et la famille beylicale husseinite qui y fait construire des demeures luxueuses de style arabo-musulman telles que Dar Dellagi, Dar Mohsen, Dar Thameur, Dar Arif, Dar Lasram, Dar Debbagh, Dar Chérif, Dar Bahri, le palais Naceur Bey, etc[4]. Il reçoit le nom de Sidi Bou Saïd lorsqu'il devient le siège d'une municipalité en 1893[5]. Le , un décret est pris pour assurer la protection du village, imposant le bleu et le blanc si chers au baron d'Erlanger et interdisant toute construction anarchique sur le promontoire[6], faisant de Sidi Bou Saïd le premier site classé au monde.
Sidi Bou Saïd est rattaché au site de Carthage, classé patrimoine mondial par l'Unesco en 1979. Toutefois, les consignes de l'Unesco cèdent devant l'urbanisation qui se développe depuis Sidi Bou Saïd jusqu'à La Malga et Salammbô ; les connexions électriques et téléphoniques aériennes dénaturent par ailleurs le paysage. De plus, la municipalité ne parvient pas à maîtriser le développement du souk du village.
Le 12 janvier2013, le mausolée de Sidi Bou Saïd est complètement incendié ; il avait subi des menaces de la part de salafistes[7]. Des travaux de restauration et d'aménagement sont entrepris par la suite[8].
Tourisme
Les maisons de Sidi Bou Saïd qui combinent l'architecture arabe et andalouse et qui sont d'une blancheur éclatante et aux portes bleues, sont dispersées au hasard de ruelles tortueuses. Haut-lieu touristique aux couleurs de la mer Méditerranée, classé depuis 1915, le site est surnommé le « petit paradis blanc et bleu ».
Vue du Centre des musiques arabes et méditerranéennes
Dar El Annabi, demeure du mufti El Annabi construite au e siècle, est formée d'une cinquantaine de chambres et surnommée le « palais des milles et nuits ». Elle est transformée en musée qui présente des objets de style arabo-musulman dont une robe de mariée qui pèse 22 kilos.
Patrie de la musique, le village accueille également le Centre des musiques arabes et méditerranéennes dans le palais de Rodolphe d'Erlanger. Baronfranco-britannique à l'origine de la protection de la ville, il contribue grandement à la notoriété du site en revalorisant l'architecture tunisienne traditionnelle. Bénéficiant d'une décoration intérieure raffinée et d'un jardin luxuriant, le palais d'Erlanger est ouvert au public.
D'autres vastes demeures bourgeoises estivales de style arabo-musulman sont édifiées au XIXe siècle et deviennent progressivement au e siècle des résidences principales : Dar Dellagi, Dar Mohsen, Dar Toumi, Dar Sfar, Dar Senoussi, Dar Chérif, Dar Bahri, Dar Lasram, Dar Khalsi et Dar Arif[9], ainsi que Dar Patout.
Sidi Bou Saïd est également réputé pour ses cafés dont les terrasses sont des lieux de détente très prisés des Tunisois :
le Café Halia (ou Café des nattes) qui abritait les soirées de malouf organisées par les mélomanes du village ;
↑Jacques Revault, Palais et résidences d'été de la région de Tunis (XVIe-XIXe siècles), Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, coll. « Études d'antiquités africaines », , 628 p. (ISBNlire en ligne), p. 442